Le moins qu’on puisse dire c’est que la menace « d’ex-communication » de Mgr Viganò par la Rome bergoglienne fait couler beaucoup d’encre, particulièrement en Italie, pays natal de l’Archevêque.
La rédaction de MPI a décidé d’ouvrir une rubrique pour partager avec ses lecteurs certaines des analyses les plus pertinentes sur cette « affaire » Viganò. Bien évidemment, il se peut que l’un ou l’autre d’entre nous n’épouse pas la totalité des arguments exposés sans que cela ne remette en cause pour autant le bien-fondé de ces textes de « solidarité », pour reprendre le mot utilisé par Aldo Maria Valli, envers Mgr Carlo Maria Viganò.
En premier lieu, nous publions donc le texte d’Aldo Maria Valli, célèbre journaliste italien tant de la presse écrite que télévisée, écrivain et correspondant du Vatican pendant quelques quarante années, paru sur son site Duc in altum. Il sera difficile de taxer Monsieur Valli d’extrémisme, de fanatisme ou autre sobriquet du même acabit. C’est pourquoi, son texte est une bonne introduction pour débuter cette rubrique.
Le soutien d’Aldo Maria Valli à Mgr Viganò
« Ces derniers jours, comme vous l’avez vu, Duc in altum est devenu le collectionneur d’innombrables attestations de solidarité, d’estime et d’affection envers Mgr Carlo Maria Viganò après que l’ancien nonce apostolique aux États-Unis a été convoqué par le Vatican pour répondre du crime de schisme.
J’ai décidé de me rendre spontanément disponible à toutes ces voix, car généralement personne ne le fait. Dans une Église qui parle beaucoup d’inclusivité et adopte le slogan « todos, todos, todos », en réalité de nombreux fidèles se sentent isolés et abandonnés.
Les messages de solidarité avec Mgr Viganò montrent avant tout de la gratitude, et c’est significatif, parce que Mgr a intercepté cette souffrance et est devenu en un certain sens le représentant d’une large partie des catholiques complètement marginalisés. Les prêtres et les évêques devraient être leurs interlocuteurs et leurs points de référence, mais ils ne le sont pas. Et souvent, face au cri de douleur de ces fidèles, ils haussent les épaules ou réagissent de manière arrogante et hautaine.
Quelqu’un m’a écrit pour me dire qu’il ne fallait pas que je me prête à cette opération. Autrement dit, je ne dois pas donner la parole à des croyants fanatiques ou sans instruction qui n’ont aucune idée de l’unité ecclésiale.
Il faudrait alors s’interroger sur l’idée d’unité placée avant celle de vérité
Cette critique venant de ceux qui se remplissent continuellement la bouche de la notion de « peuple de Dieu » est vraiment curieuse. Pour eux, le « peuple » est constitué uniquement de ceux qui défilent alignés et couverts sous la bannière du progressisme. Tous les autres ne sont que des parias ou des individus dangereux. Et quelle cohérence de la part de ceux qui prétendent être les champions de ce Bergoglio qui a fait de la miséricorde son étendard et qui a tonné à plusieurs reprises contre la « culture du jetable » !
Il faudrait alors s’interroger sur l’idée d’unité placée avant celle de vérité. Est-il légitime de falsifier, d’adoucir et de relativiser la vérité au nom de l’unité ?
D’autres messages très durs me viennent de personnes qui m’accusent non seulement de donner la parole à des gens qui ne devraient être qu’abandonnés à leur sort, mais aussi de prendre le parti d’un schismatique. Encore une circonstance très curieuse. Ceux qui m’accusent appartiennent au camp des légalistes, mais dans ce cas, ils ont déjà prononcé leur jugement.
Nous avons ensuite la réaction des catholiques qui, bien que se définissant comme conservateurs, face à ce que dénonce ouvertement Mgr Viganò, soutiennent que l’archevêque a dépassé les limites de la critique admissible à l’égard du Pape. Et quand ces limites sont-elles franchies ? Quand, au fond, on en vient à remettre en question la légitimité du pape, c’est-à-dire son être même pape.
Or, je comprends très bien que pour un catholique, contester la légitimité du successeur de Pierre, c’est franchir un seuil crucial. L’idée même de franchir cette frontière peut être consternante. En revanche, je constate qu’au point où nous en sommes, en ce qui concerne le pontificat de Bergoglio, la question appartient désormais à l’horizon commun de nombreux fidèles qui ne peuvent tout simplement pas, en conscience, voir François comme le roc. Et ils n’y parviennent pas parce que François non seulement ne les confirme pas dans la foi, mais semble faire tout ce qu’il peut pour liquider le depositum fidei.
Peut-on honnêtement considérer Mgr Viganò un ennemi de l’Église ?
De ce point de vue également, il me semble que Mgr Viganò a capté un sentiment répandu et, plutôt que de se détourner ou de prononcer des phrases sans enthousiasme, il a décidé de l’interpréter. Doit-on, pour cette raison, le considérer comme un ennemi de l’Église ? Ou faut-il prêter attention à ses arguments en considérant qu’ils émanent d’un pasteur ayant une profonde expérience des affaires ecclésiastiques ?
Vous connaissez la lignée Duc in altum. Nous prêtons ici attention aux arguments de l’archevêque. Nous les prenons au sérieux et croyons que si nous voulons vraiment le bien de l’Église, nous ne pouvons pas faire autrement.
Et c’est précisément à cet égard que je pense qu’il serait opportun que Mgr Viganò revienne au concept qui est au centre de sa vision. Je fais référence au vice de consentement (vitium consensus) de Bergoglio pour accepter l’élection. Si l’analyse de tous les maux (appelons-les plutôt désastres) provoqués par ce pontificat me semble désormais suffisamment détaillée et riche en documentation, j’éprouve plutôt le besoin d’approfondir la notion de vice de consentement.
Dans un de ses textes d’octobre de l’année dernière, Mgr Viganò écrivait : « La preuve de la non-implication de Bergoglio dans la fonction qu’il occupe est certainement un fait douloureux et très grave ; mais prendre conscience de cette réalité est la prémisse indispensable pour remédier à une situation insoutenable et désastreuse. »
Une question à Mgr Viganò
En termes simples, la question de Viganò est la suivante : lors du conclave de 2013, lorsque les cardinaux ont voté pour lui, Jorge Mario Bergoglio a-t-il accepté la nomination pour servir l’Église catholique ou l’Église synodale ? Pour être defensor Fidei ou le défenseur du mondialisme progressiste ? Pour apporter la lumière de l’Évangile de Jésus au monde ou enseigner que Dieu lui-même a voulu la diversité des religions (comme il l’écrit dans la Déclaration d’Abu Dhabi) ?
Pour Mgr Viganò, si je comprends bien, la réponse vient précisément de l’observation du pontificat de Bergoglio. On y voit que l’ancien archevêque de Buenos Aires, une fois arrivé sur la chaire de Pierre, s’est montré « manifestement hostile à l’Église ». Mais cette observation empirique peut-elle suffire à attester du défaut de consentement et donc de l’illégitimité de François ? Et comment pourrions-nous procéder dans cette direction ?
En outre, que pense Mgr Viganò de l’autre idée soutenue par ceux qui soutenaient l’illégitimité de François, à savoir que la démission de Benoît XVI était invalide et donc, par conséquent, également le conclave qui a suivi ?
Je pense que Mgr Viganò exercerait pleinement la vertu de charité s’il nous aidait (encore plus qu’il ne l’a déjà fait) à affronter ces problèmes dans lesquels tant d’entre nous risquent de tourner en rond sans trouver d’issue. »